Le design industriel et la technologie au service de l’apiculteur de demain

9 octobre 2018

Équipements industriels

7 Min

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Comme nous vous l’avons expliqué dans notre précédent billet, les abeilles sont menacées à l’échelle mondiale en raison de l’utilisation de certains pesticides. L’impact de leur état de santé sur nos modes de vie est bien plus important que l’on puisse se l’imaginer. Quant aux apiculteurs, ils sont à la recherche de nouveaux outils pour les accompagner au quotidien. Ils souhaitent pouvoir être connectés à la réalité de leurs ruches et ce, sans devoir se fier systématiquement à leur instinct ou leur expérience, comme c’est trop souvent le cas.

C’est dans ce contexte que Nectar a vu le jour : un écosystème d’objets connectés jouant le rôle d’interprète bienveillant entre les apiculteurs et leurs abeilles. L’outil permet la prise d’actions rapides et ciblées en cas d’anomalie.

Dans ce deuxième article, nous vous partagerons les grandes lignes du processus d’analyse et de stratégie d’innovation, étapes qui nous mèneront à la création du produit sur le plan design, technique et technologique.

LA PHASE STRATÉGIQUE

En tant que designers industriels, le résultat de nos interventions est tangible, concret et se traduit souvent en un produit ou une expérience. Toutefois, pour assurer la pertinence et la pérennité dudit produit, notre rôle s’inscrit bien au-delà de la matérialisation physique et fonctionnelle de l’objet.

C’est pourquoi chez ALTO nous abordons chaque projet par un processus d’analyse et de recherche visant une compréhension approfondie de l’utilisateur et du contexte d’utilisation. Nous appelons cette étape phase de stratégie d’innovation. Avant même d’émettre des pistes de solutions concrètes, nous évaluons la complexité de la problématique. Nous identifions aussi les irritants et embûches potentiels de manière à les transformer en opportunités de design puis ultimement en critères de conception.

Dans le cadre du projet Nectar, la phase de stratégie consistait d’abord à comprendre le quotidien de l’apiculteur ainsi que son cycle de travail saisonnier. Nous nous sommes aussi intéressés à l’univers dans lequel évoluera le produit. Finalement, nous avons étudié la relation qui unit l’apiculteur à ses abeilles, toujours en gardant en tête le comportement de l’insecte.

LE «MIND MAPPING»

Nous nous sommes tournés vers la méthode «mind map» afin de déconstruire de façon granulaire et exhaustive les différents éléments qui pourraient avoir une influence sur l’écosystème des produits Nectar. Cette approche permet d’illustrer l’univers des produits, puis de mettre en lumière l’ensemble des enjeux et des contraintes à prendre en considération lors de son élaboration. Pour cette étape, il était crucial de mettre à profit la plus vaste étendue d’expertises possible, car chaque spécialiste détient un savoir, mais surtout une perspective unique sur le projet. C’est pourquoi les experts en objets connectés de chez Motsai se sont joints à nous pour couvrir l’aspect technologique du projet.

Voici les constats majeurs étant ressortis de ce processus de «mind mapping»:

– L’uniforme d’un apiculteur affecte grandement ses capacités visuelles. De plus, comme il travaille à l’extérieur, dans un contexte de forte luminosité et de bruit omniprésent, il est nécessaire de lui offrir un «feedback» d’activation et de fonctionnement de l’objet qui sera facilement décelable.

– Les capteurs d’humidité quant à eux ont besoin de certains orifices afin de bien fonctionner. Les abeilles ont cependant tendance à combler toutes les cavités présentes dans la ruche avec une substance que l’on appelle propolis.

– Les dimensions des ruches sont approximatives et varient grandement, l’identification des espaces disponibles entre les cadres et les hausses de la ruche est donc très importante. Le poids peut aussi influencer le fonctionnement du Beecon.

– Étant une matière aqueuse plutôt dense, le miel bloque la majeure partie des ondes. Il faut donc trouver l’emplacement idéal du Beecon dans la ruche afin de capter adéquatement ses signes vitaux, puis de transmettre l’information vers le «gateway» en évitant le maximum d’interférence.

– Puisque les Beecons sont placés à l’intérieur des ruches, ceux-ci doivent être alimentés par batteries. Il faut donc trouver le juste équilibre entre l’autonomie de la pile et l’efficacité énergétique des composantes afin de minimiser l’intervention de l’apiculteur pour la recharge. Les Beecons doivent aussi être faciles à associer à une ruche en particulier.

Tous ces constats nous ont permis de cadrer nos objectifs et d’orienter notre prise de décision tout au long du projet.

UN DESIGNER DANS LA PEAU D’UN APICULTEUR

Pour bien comprendre l’utilisateur, son comportement, sa personnalité et ses besoins, nous avons travaillé en étroite collaboration avec l’équipe de Nectar afin de générer un profil stéréotypé de l’apiculteur: son persona. Le fait de dresser un portrait personnel et concret de l’utilisateur nous permet entre autres de conserver une perspective à échelle humaine sur le contexte d’utilisation, les problèmes à régler et l’état d’esprit de l’utilisateur.

LE PARCOURS DE L’UTILISATEUR

Puisque notre objectif est avant tout de simplifier la vie de l’apiculteur et de rendre son expérience produit intuitive, il nous est primordial de prendre connaissance des moindres détails de son quotidien et de son cycle saisonnier. L’outil que nous utilisons se nomme le parcours utilisateur, ou «user journey». Il s’agit d’une véritable schématisation des interactions de l’apiculteur avec l’univers du produit sur une ligne de temps précise. Dans ce cas-ci, le cycle saisonnier complet de la culture du miel.

Ce parcours utilisateur nous a permis d’établir les moments les plus propices pour procéder à la recharge des Beecons. Cette nouvelle information a influencé directement l’autonomie requise des piles, puis les critères de sélection de la technologie de recharge. Le but étant d’intégrer le temps de recharge à même les manipulations actuelles de l’apiculteur.

En constatant la récurrence élevée des inspections, nous avons déterminé des critères de fixation précis pour le Beecon. Ces critères visent à le rendre peu encombrant, qu’il soit solidement fixé et finalement qu’il soit possible de le manipuler à de nombreuses reprises, sans risquer de le briser.

Le parcours utilisateur nous a aussi permis de réaliser que la disposition des ruches est amenée à évoluer tout au long de la saison. En effet, l’emplacement des ruches est directement lié à la période de pollinisation qui est différente d’une culture à l’autre. Une ruche peut donc être déplacée à plusieurs endroits au cours de la saison. Sachant cela, les critères de fixation du «gateway» ont été précisés pour permettre versatilité et mobilité.

Finalement, grâce au parcours nous avons mieux cerné l’étape d’hibernation. Cette période hors saison où les spécificités de l’environnement changent du tout au tout, passant d’un contexte extérieur à un environnement intérieur contrôlé. Ces réalités opposées ont influencé directement le type de recharge et la disposition de l’écosystème Nectar dans la ruche.

CONCLUSION

La phase de stratégie d’innovation est cruciale afin de bien comprendre l’univers du produit ainsi que son utilisateur. Sans cette étape clef, plusieurs critères de conception demeureraient inconnus et même si le produit était technologiquement très performant, il se serait vu mal adapté pour l’utilisateur ou son contexte d’utilisation. Une fois identifiés, ces critères deviennent les bases solides d’un produit bien conçu qui augmentera les chances d’adoption par les consommateurs. Restez à l’affût au cours des prochains mois, nous vous partagerons le résultat final.